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Le dogme de la non-violence fait de mauvais stratèges

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Le dogme de la non-violence fait de mauvais stratèges Empty Le dogme de la non-violence fait de mauvais stratèges

Message par TaraTaggle Lun 12 Aoû - 18:16

Intéressant article paru ce 11 août sur le site Floraisons. À méditer...

Le dogme de la non-violence fait de mauvais stratèges
Réflexions sur la violence suite à dernière émission en date du J-Terre « Il est plus temps » se proposant de discuter de radicalité avec les grands prêtres d’Alternatiba, des Amis de la Terre et d’ANV COP21.
 
IL N’Y A PLUS NULLE PART DE PLACE POUR L’INNOCENCE
 
Pour raisonner, soyons critiques avec nos propres biais, nos croyances et basons-nous sur des faits. La « non-violence » comme elle est théorisée par ses défenseurs fait partie de ces croyances tenaces dont notre mouvement devrait se détacher au plus vite. Quand je critique la « non-violence », je ne dis pas que les actions pacifiques sont inutiles. Je critique la prétention morale de certaines personnes de faire d’un répertoire restreint de tactiques l’alpha et l’omega de tout mouvement social, la voie sacrée de la révolution. C’est une lubie, en même temps qu’un mépris des évidences sociales et historiques.
Critiquer le dogme de la « non-violence » c’est d’abord dire qu’il est très difficile de définir ce qu’est une violence et ce qui ne l’est pas. Dans une société capitaliste hiérarchisée, la violence est omniprésente. La civilisation industrielle est basée sur la violence généralisée et mondialisée. S’auto-déclarer soi-même non-violent c’est décider d’effacer, comme par magie, la barbarie sur laquelle nos propres privilèges reposent : l’exploitation, la domination, l’aliénation des autres. Je suis blanc, mais comme je me déclare non-violent, le racisme structurel disparaît. Je suis un homme, mais si je me revendique non-violent, le patriarcat ne me concerne plus et mon privilège homme a subitement disparu. Bien sûr tout cela n’est qu’un tour de passe passe, les structures de pouvoir ne s’effacent pas grâce à quelques mots. Elles s’écroulent grâce à la lutte.
Dans une société violente, qui exporte une partie de sa violence dans des mines et des usines sur d’autres continents, il est bien étrange de se déclarer donc a priori comme non-violent. Je pense à cet extrait de Maintenant du Comité invisible « Il n’y a plus nulle part de place pour l’innocence en ce monde. Nous n’avons que le choix entre deux crimes : celui d’y participer et celui de le déserter afin de l’abattre. »
 
REFOULER LA VIOLENCE MÈNE AU PIRE
 
La dernière émission en date du J-Terre « Il est plus temps » se proposait de discuter de radicalité avec les grands prêtres d’Alternatiba, des Amis de la Terre et d’ANV COP21. Les premières vingt minutes de l’émissions sont dynamiques, l’équipe du J-Terre a bien préparé ses arguments, je salue les interventions vives et justes de Juliette (La meuf avec les mots) et Cemil (Cemil choses à te dire). Mais les partisan·es de la non-violence dogmatique , communiquant·es professionnel·les, ont eu raison du discours radical à l’usure sur deux heures d’émissions. C’est une expérience pénible à vivre, à regarder. Stagnation, résignation, déception, éléments de langage, mauvaise foi, naïveté, incompréhension.
Puisque tout le monde sur le plateau avait l’air passionné de stratégie, je voudrais rappeler que pour être stratégique, il faut s’autoriser à réfléchir plutôt que de répéter des dogmes confortables au mépris de la réalité. Certaines interventions et remarques des invité·es sont problématiques et révélatrices d’une incompréhension autour de la notion de violence qui mine notre mouvement et notre puissance d’agir. Je crois qu’une victoire est possible si les grands prêtres citoyennistes se donnent la peine d’écouter ce que certains radicaux ont à leur dire.
J’ai entendu «Lors d’un changement de société, le moins il y aura de violences, plus le système qui suit sera moins dictatorial, plus y aura de compromis dans la société. » . Je présume que ce discours s’appuie sur la propagande étatiste d’Erica Chenoweth et Maria Stephan, ce qui devrait sérieusement faire rougir n’importe quel anarchiste ou révolutionnaire. L’imposture de cette étude et du mythe des 3,5% ont déjà été très bien révélés ici, un article que je vous conseille de lire.
Heureusement sur le plateau, Cemil rappelle justement « Tu veux un exemple, les suffragettes. Elles ont en partie employé la violence pour atteindre leur objectif, le droit de vote pour les femmes », mais nous aurions pu citer bon nombre d’autres exemples, celui de Nelson Mandela, celui des Deacons for Defense, des Zapatistes au Chiapas, des Wimmin’s fire brigade, de l’IRA irlandaise, de Stonewall, des droits civiques américains etc. L’histoire regorge d’exemple. L’usage de la violence par un groupe n’est donc pas un signe de faiblesse mais un signe de force.
De plus, en lisant l’étude de William Gamson The Strategy of Social Protest qui compare de nombreux mouvements entre eux, on observe que si la violence ne garantit pas la victoire, elle ne l’empêche presque jamais. Autre fait intéressant contrairement aux idées reçues, la taille d’un groupe a peu d’impact sur ses chances de succès. Elle peut certes avoir une plus grande influence sur les élections (c’est d’ailleurs souvent l’objectif des organisations de masse…) mais les groupes réunissant des dizaines de milliers de personnes ne réussissent en général pas plus à atteindre leur objectif que des groupes de quelques dizaines ou centaines de personnes.
Ce « dogme de la non-violence » a été par ailleurs bien analysé dans l’ouvrage Comment la non-violence protège l’État de Peter Gelderloos, et j’invite les activistes pacifistes convaincu·es à l’étudier. Bien sûr, cela n’est pas toujours possible, surtout quand les présidents de vos organisations forment des chaînes humaines devant les stands du livre (comme au mois de mars). À la lecture de Gelderloos, on comprend pourquoi les grands prêtres ont peur pour leur position, ce pamphlet profane pourrait vous donner des vilaines pensées démoniaques. Cachez cette critique que je ne saurais voir.
Cependant, si vous les cadres de ces organisations continuez d’ignorer cette critique en vous bouchant les oreilles, la violence jaillira parmi les activistes déçu·es, et elle jaillira de la pire des façons. Comme évoqué dans le premier podcast consacré à Full Spectrum Resistance, «  le refus d’aborder sérieusement la question des stratégies d’action directe et de la violence, notamment avec les jeunes, est l’équivalent d’une éducation sexuelle basée sur « abstinence uniquement ». Ce genre d’éducation n’empêche ni les grossesses non désirées ni les maladies, bien au contraire. Pour la même raison un monologue « pacifiste uniquement » distant de la réalité n’aide pas un mouvement social à prendre les bonnes décisions, ni a réduire la violence sur le long terme. »
 
S’UNIR POUR METTRE L’ENNEMI À GENOUX
 
Pourquoi c’est problématique ? Parce qu’en répétant les mantras « non-violents », les président·es d’organisations écologistes dénigrent le rôle de l’activisme plus militant, qui ne rentre pas dans leur dogme, alors qu’ils en bénéficient pourtant. La police travaille activement à créer une scission entre modérés et militants au sein de nos mouvements, et nous lui facilitons la tâche par ce genre de déclarations. Elle sait à quel point il serait dangereux un large mouvement (déjà constitué) qui ne se déclarerait pas hostile aux actions plus offensives de la base radicale, et menacerait de passer à l’étape supérieures si les changements politiques ne sont pas mis en place rapidement. Ne dites plus du mal publiquement des black blocs, de l’auto-défense, des sabotages etc. Ne condamnez plus la destruction de biens matériels quand on vous ordonne de le faire, et vous verrez les puissants trembler, vous ouvrir leur porte et vous faire des concessions.
Pourquoi c’est dangereux ? Parce que si vous continuez de diviser la lutte, vous mettez en danger les militant·es qui prennent plus de risques personnels, et qui se retrouvent du coup plus à la merci de la répression, au lieu d’être uni·es au sein du mouvement. Peut-on se focalise sur notre ennemi commun, la civilisation industrielle qui tue la planète ? Est-ce que notre mouvement en est capable ? Oui je le pense, mais à condition de mettre de côté vos aprioris moraux et de considérer que vous avez besoins des activistes clandestins, tout comme elles et eux ont besoin de votre activisme modéré. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe au sein d’un black bloc composés de groupes affinitaires. Certains s’engagent dans certaines actions risquées, d’autres non, et tout le monde respecte la diversité des tactiques du mouvement, l’autonomie et la sécurité de chacun·e qui s’articule autour d’une définition radicale des principes de liberté et égalité.
Arrêtez de diviser le mouvement suivant vos apriori tactiques, vous mettez tout le monde en danger, et nous perdons du temps. Nous devons passer notre temps à mettre l’ennemi à genoux grâce à un large spectre de tactiques qui ont déjà fait leur preuve dans l’histoire, pas à dénigrer les actions des camarades.
Vous trouvez que la violence fait peur ? Quel n’est pas un argument très vendeur ? Que votre masse de base n’est pas prête à se diriger vers plus de radicalité ? Oui il y a de ça. Mais premièrement écoutez les personnes au sein de vos groupes, cette question est sur presque toutes les lèvres. Et deuxièment si vous êtes de si bons communiquants, pourquoi ne pas utiliser vos talents justement pour élargir le spectre de l’acceptabilité comme la théorisé la « fenêtre d’Overton » ? Ne dites pas que vos activistes ne sont pas prêt·es, beaucoup le sont. Ne dites pas que la population n’est pas prête, utilisez vos qualités de persuasion et de dialogue. Bref, voulez-vous que l’on gagne ? Soyez prêt·es vous-mêmes à repousser les frontières de l’acceptabilité. N’est-ce pas un beau défi ?
 

 
LA MORT DE LA PLANÈTE EST UN CRIME BIENTÔT ACHEVÉ
 
Oui il y a besoin de grands groupes modérés, et aussi d’activisme plus militant, d’action directe, de sabotage, pour pouvoir former un mouvement puissant. Vous devriez soutenir celles et ceux qui sont sur le front (et pas seulement les personnes qui décrochent les portraits), vous devriez en être fiers, en faire l’éloge, les soutenir en prison, c’est la seule chance de voir une victoire collective. Les modéré·es doivent comprendre que les actions militantes clandestines sont nécessaires pour exercer une force politique. Et les radicaux de leur côté doivent comprendre que les groupes modérés sont nécessaire pour ancrer dans le quotidien les victoires ainsi obtenues. C’est l’histoire de tous les mouvements de résistance qui nous le montre comme étudié dans Full Spectrum Resistance, et pour citer un extrait :
« Vous ne pouvez pas persuader un psychopathe, un dictateur ou une entreprise grâce à des arguments moraux ou grâce au pacifisme. Mais, et c’est très important, vous ne pouvez pas non plus les persuader grâce à la violence. La distinction ne doit pas se faire entre violent et non-violent mais entre efficace et inefficace. La tâche d’un résistant n’est pas de changer la mentalité des personnes au pouvoir mais de mobiliser un mouvement qui exerce une force économique et politique, en choisissant les tactiques et stratégies qui rendent ce mouvement efficace. »
Ou comme disait George Orwell : «  Ce n’est pas entre violence et non-violence que passe la grande différence, mais entre avoir ou ne pas avoir le goût du pouvoir ». Bloquer tout un pays par la désobéissance serait élégant, j’adorerais voir ça, ne croyez pas le contraire. Mais sommes-nous suffisamment d’individus ? Combien faudrait-il que l’on soit pour bloquer tout le pays ?
Nous sommes plusieurs, nous sommes nombreuses et nombreux à rêver de l’explosion de la société de masse en une multitude de petites communes autogérées, féministes, soutenables, low-tech, égalitaires et fédérées, réellement écologiques. Mais la majorité le voudra-t-elle ? Se mobilisera-t-elle à temps pour le voir advenir ? Pouvons-nous attendre ? Combien de personnes voudraient réellement provoquer un changement de cet ordre ? De quelles ressources avons-nous besoin pour le faire à visage découvert en suivant les principes de la « non-violence » ? Et le temps de les réunir ?
Nous n’avons ni un siècle, ni une décennie devant nous, il faut y aller maintenant ! La question doit plus se poser dans l’autre sens : combien sommes-nous, comptons-nous, et décidons quelles stratégies complémentaires et tactiques diversifiées sont les plus adaptées pour la poursuite de notre objectif en fonction de notre nombre, de nos ressources et de nos délais. Les tactiques à disposition ne sont peut-être pas vos préférées, mais ce n’est pas parce que cela heurte votre sensibilité que c’est faux.
Et comprenez que même si vous faites ça, si vous bloquez le pays, le continent, de façon pacifique, et qu’il y a réellement un risque de mettre le système en échec par effet de cascade, alors la répression sera violente. Soyez préparé·es à cette répression. Et si vous ne rompez pas avec votre dogme, si ne vous protégez pas et ne protégez pas les plus fragiles d’entre nous, vous n’aurez que défaite, pertes, blessures, peines, prison et mort. La planète n’a pas ce temps, nos circonvolutions morales lui sont accessoires. Il nous faut mettre un terme à la catastrophe, toutes et tous ensemble, pacifistes convaincu·es et cagoulé·es courageux·ses. C’est notre espoir pour le vivant.
Solidarité.
L.P.
__________________ 
SOURCES
Il Est E̶n̶c̶o̶r̶e Plus Temps, Camp Climat, Août 2019
Non, il ne suffit pas que 3,5 % d’une population se mobilise pour que la non-violence triomphe
COMITÉ INVISIBLE, Maintenant, Éditions La fabrique 2017
MC BAY Aric, Full Spectrum Resistance, Seven Stories Press, 2019
GELDERLOOS Peter, Comment la non-violence protège l’État, Éditions Libre, 2018
Fenêtre d’Overton, Wikipedia
GAMSON William, The Strategy of Social Protest
MAN et Les amis de la Terre empêchent l’accès au stand des Éditions libre
DUPUIS-DÉRI Francis, Les black blocs : La liberté et l’égalité se manifestent, Lux, 2019
HAZAN Eric, La Dynamique de la révolte: Sur des insurrections passées et d’autres à venir, Paris, La Fabrique, 2015

TaraTaggle

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